« Le temps est une flèche » proverbe zen
 
Jean-Charles Pigeau, sculptures d’espace
Extrait
Considéré isolément, chacun des fuselages s’apparente à la figure d’un javelot, ce qui lui confère aussitôt une dynamique, un élan et une apesanteur. Sa forme élancée, sa relative légèreté, ses qualités réfléchissantes en font un objet intrus qui occupe l’esprit de l’artiste depuis une trentaine d’années. Prolongement de deux projets anciens, l’un pour un rond-point à Avignon, en 1983, l’autre pour Rueil-Malmaison, en 1992, l’idée de Sagitta témoigne de l’obstination et de la pertinence avec lesquelles Jean-Charles Pigeau engage son travail. Le ciel et la lumière y sont ici les prétextes déterminants à la création d’un site qui vise au rapport conjugué entre deux types d’espace, le naturel et l’urbain. Implantée au cœur même de l’activité humaine, Sagitta organise la relation fondamentale qui unit l’homme à son milieu social tout en le rappelant à la dimension implacable du temps. « Avec Sagitta, note l’artiste, c’est apporter l’idée de nature dans l’espace urbain contemporain où l’homme a perdu ce contact avec les éléments. C’est spiritualiser l’espace. »
Une nouvelle fois, à l’image d’un gnomon - à savoir l’aiguille d’un cadran solaire -, Sagitta n’est autre que la figure métaphorique de la « flèche du temps ». Cette expression, introduite en 1927 par l’astrophysicien britannique Arthur Eddington, est employée à décrire le fait que le temps nous semble s’écouler toujours dans la même direction mais, en fait, c’est là une question compliquée parce que les équations fondamentales de la physique sont bien souvent invariantes lorsqu’on renverse la direction du temps. Loin de toute préoccupation savante, la démarche de l’artiste est fondée sur un simple ressenti et une appréhension sensible et spirituelle de l’espace. « Sculpture à planter », comme il dit, Sagitta s’offre à voir comme la possibilité d’un lien existentiel entre ciel et terre. Entre le vécu et l’imaginé. Entre le temps linéaire et le temps cyclique. A sa façon, Jean-Charles Pigeau est un grand arpenteur.
                            Philippe Piguet

 DESCRIPTIF DU PROJET « Sagitta* »

Le regard suit de bas en haut ce fuselage qui s’élance vers le ciel d’où il semble être venu.
Le trait divise et contient l’espace. Elle devient l’âme du site en occupant au sol une surface réduite de 70 cm2, tendant vers le ciel sur une longueur de 28 mètres, inclinée à 70°. Cette sculpture en acier inox ne nécessite pas d’entretien.
Comme une anamorphose, au fil de la journée, cette sculpture en acier poli, mêle les images du site et celles du visiteur. Elle capte et diffuse la lumière suivant l’intensité solaire.
Tel un gnomon, le soleil projette successivement l’ombre du corps fuselé sur le sol. La sculpture implique une notion de mouvement, de marche du temps, de cycle. Par son ombre projetée au sol elle devient un instrument à mesurer le temps.
Le fuselage oriente le temps, relie ciel et terre, révèle l’espace et la lumière. Cette sculpture « à planter** » devient complémentaire du lieu en transformant le sol en cadran solaire. Par la projection mobile de l’ombre, elle introduit dans le site, l’idée de nature en établissant une communication avec le soleil et le regardeur.
 

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