Les 25 sculptures « Golden limes » de Jean-Charles Pigeau, célèbrent les 25 ans de la société Exotimex dirigée par Laurent Chabres. Exposition Fruit of Logistica. Berlin 2015. Stand Exotimex. Foire Fruit Logistica. Berlin du 2 au 6 février 2015
Citron des montagnes. Une œuvre inédite de Jean-Charles Pigeau
Un citron s’est imposé comme base, comme leitmotiv, point de départ pour l’œuvre dont il va être question ici. Il va se laisser moduler selon les dispositifs séquentiels de Jean-Charles Pigeau, soudain décentré, embarqué dans une série de modules, sortes de briques blanches taillées en biseau, elles-mêmes disposées soigneusement en quinconce. Et pourquoi venu des montagnes ?
Vingt-cinq demi citrons en creux et dorés à la feuille se répartissent sur un mur ajouré formé de ces briques blanches. L’occasion de la création de cette pièce fut les 25 ans de la société Exotimex de Laurent Chabres au Mexique ; or, il se trouve que le nombre 25, le carré de 5 qui intéresse depuis longtemps les anciens, possède d’autres significations symboliques dont la plus curieuse ici est qu’il représente le Verbe universel selon Raymond Abellio. On aperçoit d’ici les montagnes.
A partir de ce moment l’œuvre prend une tout autre dimension, celle qui revient régulièrement chez Jean-Charles Pigeau, à savoir celle d’une certaine spiritualité revendiquée. Pour poursuivre dans ce sens les citrons apparaissent à l’intérieur d’un cache en forme de mandorle et aussi en forme de citron, la mandorle (mandorla, amande en italien) étant sous-jacente, elle entoure et ainsi protège sur les tympans des cathédrales la figure du Christ, d’où le rapport à l’art du sacré. Et « Mandorle » est aussi le titre d’un poème de Paul Celan dont voici le début : « Dans l'amande — qu'est-ce qui est dans l'amande ? »
Après l’amande revenons au citron, il possède ses lettres de noblesse dans l’histoire de l’art, "Le citron", peint en 1880 par Edouard Manet en témoigne au Musée d'Orsay à Paris. Quant à la répartition aléatoire de ces vingt-cinq points d’or sur le plâtre blanc ponctué d’ombres biseautés, on peut l’associer ici à Mallarmé lorsqu’il évoque « Le blanc souci de notre toile ». Typologie et jeu des polarités aidant, les citrons deviennent alors les ponctuations d’un espace élégamment orienté dans une stagnation vibrante. Ces 25 points obéissent alors autant à l’infini des mathématiques qu’à la contemplation, soit à l’inflexion éternelle des moments. L’image vectrice est celle d’un ciel étoilé, un ciel laiteux et des étoiles d’or, des cales de lumière, « fais sauter les cales de lumière : la parole flottante est au crépuscule » dit encore Paul Celan, les citrons d’or seraient donc des cales de lumière et la vibration de l’ensemble une parole flottante dans l’inflexion éternelle des moments vécus.
Jean-Louis Vincendeau