« Camera » La chambre de captation 2010-15. Jean-Charles Pigeau
“暗箱”· 采集室 2010-15. 让-夏尔·毕儒
La sculpture - architecture de Jean-Charles Pigeau se présente comme une double enveloppe : à l’extérieur un imposant cylindre ouvert par une porte surbaissée. Celui qui y pénètre se trouve alors plongé dans une forme ovoïde parfaite baignée de vastes flux de lumières aux reflets infinis.
让-夏尔·毕儒的雕塑就像一个双层信封:从外表看,圆柱体雄伟屹立,从最底部打开一扇小门。置身于这个卵型建筑里,会被无数根宽阔闪耀的光线环绕包围。
Sur les cinq continents, la symbolique de l’œuf évoque par sa forme la perfection et par son rapport à la germination, la dynamique de la vie. Dans ce contexte, Camera présente un espace dans lequel le visiteur est appelé à entrer, se séparant du monde ambiant pour un instant de méditation. L’opposition de l’intérieur et de l’extérieur est ici fondamentale. Elle rend sensible que la perfection de l’œuf contient en elle-même le principe duel de la dynamique germinative, comme fait la tradition chinoise elle-même, pour qui l’œuf primordial qui a donné naissance au monde s’est ouvert, permettant que se distinguent les éléments lourds qui forment la terre (Yin) et les éléments légers qui constituent le ciel (Yang). En reliant les grandes mythologies de l’Orient et de l’Occident, cette œuvre porte témoignage du lien étroit qui unit l’activité concrète des hommes, et les produits qui en découlent, à l’idéal de perfection qui les anime dans leur quête.
在 世界许多地方,卵,因其形状圆润,都象征着完美;又因其使人联想到萌芽,也象征着生命的运动。 « Camera »向观众提供了一个与世隔绝的空间,吸 引他们走进其中,只为片刻的冥思。内与外的对比在此雕塑中最为关键。有了内外对比,人们才能体会到,卵之所以完美,正是因为它遵循生命孕育的对法,就像中 国传统文化当中的阴与阳,天与地。在宇宙形成之初,巨大的卵开裂,重的物质形成大地(阴),轻的物质形成天空(阳)。通过融合东、西方文明里的古老神话, 该作品展现了人类活动与其对完美的追求之间的紧密联系。
Jacques Leenhardt
La chambre de captation
« Il y a un point où les mots sont en équilibre avec le vide, où la pointe d’âme s’échappe libre, tout bien pesé ». Claude Minière
Il est habituel de présenter le travail de sculpteur de Jean-Charles Pigeau comme une relecture très personnelle d’un certain patrimoine architectural traversant la Chine, le Mexique et le Japon. Ici le projet de Jean-Charles Pigeau dans son premier aspect extérieur peut s’apparenter aux œuvres visionnaires et monumentales de Claude-Nicolas Ledoux et encore davantage àcelles d’Etienne-Louis Boullée.
Des formes géométriques simples, cylindre, cercle, dôme inversé, le tout articulépour susciter la méditation du visiteur. Une fois àl’intérieur de l’habitacle, le visiteur est capté, confrontéàsa propre intériorité, son histoire en miroir et peut être virtuellement « soulevé », se vivre comme en apesanteur.
Immersion dans la couleur àla façon de James Turrell, cette chambre isole quelque peu de l’agitation extérieure et favorise la méditation du spectateur. A ce propos Jean-Charles Pigeau relatait son expérience des cénotes, puits de lumière naturels et sacrés au Mexique. La lumière dans sa pointe la plus pure s’échappe ou circule librement, elle remplie et amplifie l’espace intérieur de l’habitacle.
Marsile Ficin dans sa traduction et son commentaire du « Pimandre »parlait de « spiritus, pneuma, vehiculum », de l’esprit le souffle le véhicule ; on peut rajouter de l’esprit comme souffle et véhicule, dans cet habitacle l’esprit trouve sa place et son expansion. Il évoquait également la lumière comme principe de vie et cohésion de l’univers. On retrouve ce même esprit intact plus de cinq siècles après dans la pièce de Jean-Charles Pigeau.
Cette lumière d’immersion que recherche et retrouve Jean-Charles Pigeau est le résultat d’un savant calcul de forme pour canaliser et « dompter »en quelque sorte cette lumière, l’apprivoiser peut-être, la domestiquer sans doute. Quelque chose s’achemine alors dans le regard et le vécu comme la virginité de la lumière. Le sujet de ce travail est l’élément central de la volontéd’aller vers la puretédu vrai. Le problème d’Hérodiade à ce titre est d’aller d’une virginité de l’être à une autre virginité qui l’attire de façon irrésistible, celle du vrai.
« Sujet est le nom de la traversée de l’impur entre deux puretés dont être et vérité sont les autres noms ». (1)
L’artiste tel Jean-Charles Pigeau vise la puretédu geste et œuvre dans le sens d’une économie du geste pour capter la lumière ; lumière dont il a besoin pour la restituer, la magnifier.
"L’artiste doit viser àtoujours plus de complétude. L’exigence essentielle, pour lui, consiste seulement àproduire en fonction de sa vie, de ses moyens, de ce qui vient àlui ». (2)
Jean-Louis Vincendeau
Notes :
- D’après Alain Badiou : « Séminaire »
(2) Ludwig Hohl, Notesou De la réconciliation non prématurée, traduit de l’allemand par Etienne Barilier, l’Age d’homme, 1989