Cratèreest une sculpture-paysage, fidèle à la vision cosmique de la création chez Jean-Charles Pigeau où le macrocosme de la nature inspire à l'oeuvre d'art ses propres lois. Sculpture de 24 centimètres de diamètre et 17 centimètres de hauteur, Cratèreest la transposition à une échelle réduite du volcan de Popocatépetl qui culmine à 5420 mètres dans les environs de Puebla au Mexique ; un écart d'échelle qui donne le vertige !
Conçue par l'artiste assisté des savoir-faire des artisans de Sèvres, elle a pour modèle le grand dessin de la nature : les aspérités de la surface terrestre, traces saisissantes de l'activité sismique. La sculpture, comme le volcan, portent les stigmates du temps étiré : le temps de la recherche et de la création qui a débuté à Sèvres en 2007 pour l'artiste, pour aboutir à la réalisation du projet en 2011 mais aussi, bien-sûr, le temps millénaire de la dérive des plaques terrestres. La sculpture, composée de trois pièces, peut être disposée selon trois manières qui font, chacune, allusion aux trois états successifs du volcan encore en activité.
La Cité de la céramique est un lieu de patrimoine, de création mais aussi de recherche. L'institution offre aux artistes un répertoire de plus de 3 000 formes comme la possibilité d'en créer de nouvelles. Jean-Charles Pigeau a fait ce choix et nous propose une nouvelle figure dont l'élaboration repose sur un protocole original. Pour reproduire le plus fidèlement possible la pente du Popocatépetl, l'artiste l'a photographiée avec un sténoscope, sorte de chambre noire qui reproduit le paysage en négatif. Ce négatif a servi de modèle à l'élaboration du prototype en métal, avec lequel il a sculpté la forme à l'atelier du plâtre.
Cette précision voulue par l'artiste s'explique par la relation intime, quasi mystique, que celui-ci entretient avec le paysage du plateau volcanique ; le Popocatépetl est à Jean-Charles Pigeau ce que la Sainte Victoire est à Cézanne.
Déjà en 1999, il s'y rend en pélerinage pour déposer de petites sculptures en terre crue au flanc du volcan ; il y retourne en 2000 pour en photographier les vestiges détruits par le feu. En 2004, il réalise une maquette pour un projet architectural nommé Cratère, un dôme dont les parois intérieures reproduisent en négatif la courbe du volcan.
La forme du cratère est un motif récurrent dans le travail de l'artiste qui le pense tant à l'échelle de la sculpture qu'à celle de l'architecture. Cet espace qui associe l'élément terre laminé par la lave est une métaphore de la création à Sèvres : la céramique se définissant comme un mélange de roches qui subit l'action du feu. La métaphore conceptuelle est enrichie par le lien visuel entre la pièce de porcelaine et le Popocatépetl. Outre la forme, le blanc de la porcelaine rappelle les neiges éternelles qui couronnent le volcan et l'or pur 24 carats, posé sur la paroi interne de l'oeuvre, évoque la lave en fusion contenue dans le cratère. Enfin, si l'on s'intéresse à l'éthymologie, le terme cratère prend un sens tout autre à la Cité : il s'agit du nom d'un vase grec dans lequel on mêle vin et eau, objet que l'on retrouve dans les collections nationales à Sèvres et à Limoges.
Cratèreest donc un condensé de l'univers de l'artiste en parfaite osmose avec l'esprit de Sèvres et je me réjouis qu'il ait accepté de venir travailler parmi les cent-vingt artisans de la Manufacture devenue Cité de la céramique, avec lesquels il a, je le crois, partagé de grands moments.
David Caméo
Directeur général de la Cité
de la céramique - Sèvres & Limoges